•.•.•

Les filles dormaient. Enfin, Shane roupillait paisiblement, j’avais croisé un instant Lulla qui émergeait des limbes du sommeil et Enora devait encore ronfler, elle aussi. Pour une fois, j’étais la première debout, mon premier cours se tenant odieusement tôt. Ca impliquait de quitter le nid à une heure indue, manger alors que le cerveau est à peine en état d’enregistrer que le corps avait faim et marcher en pilotage automatique. Jusqu’à la fac. Bon, saisissant mon courage à deux mains, une fois lavée et vêtue de frais, je quittai la boutique, non sans avoir salué les demoiselles et attrapé mon cartable. Une nouvelle journée s’annonçait, pas moins passionnante que les autres, toujours aussi trépidante et ourlée du risque de commettre « l’erreur » qui transformerait notre existence en cauchemar. Ce n’était en effet ni les gants ni un autre subterfuge du genre qui m’empêcherait d’afficher subitement une couleur non naturelle pour une humaine « normale ». Pour preuve, la première fois que j’avais testé pareille idée, je m’étais métamorphosée en femme de cuir, arborant un merveilleux teint chocolat au grain « fine fleur de cuir » assorti à la paire de gants. Merveilleux, n’est-il pas ?

D’un point de vue totalement extérieur, la prouesse physique était intrigante et ma curiosité naturelle se voyait fortement titillée. Sauf que, là, nous n’étions pas dans un monde où ce genre de phénomènes étaient considérés comme un apport particulier dans la vie quotidienne aussi écartais-je ces réflexions de mon esprit, évitant ainsi qu’une trop grande focalisation sur le thème ne mène à une involontaire réitération de l’expérience. De plus, durant ma marche, outre forcer le réveil de mes cellules grises et protéger mes arrières, je m’exerçais également à repérer les mutants. Quand on avait en tête que c’était par ce biais que j’avais rencontré mon actuelle joyeuse bande, on pouvait mieux le comprendre. Phrase à interpréter comme bon vous semblerait. UU

C’est ainsi qu’une fois un bon bout de mon chemin accompli et un détour au Starbuck effectué, j’eus un mouvement de surprise en croisant un jeune homme qui rentrait alors que je sortais, café fumant à la main. Wow, minute. Lui, il n’était pas « normal ». Pas que je me considère comme anormale mais il était « comme nous », en dehors des standards humains et, ça, j’aurais presque pu en mettre ma main à couper. Toutefois, la seule façon rationnelle d’en avoir le coeur net était de faire volte-face et regagner l’intérieur du café. Je jetai un bref regard à ma montre ; oui, je serais dans les temps. Et je pouvais bien me reprendre un muffin « pour faire genre demoiselle qui petit-déjeune réellement » et le tour serait joué. Prenant place au comptoir, j’écoutai distraitement le jeune homme, tentant de poser des mots sur les projections électriques perceptibles. •.•.• On peut avoir un café et un cookie pour 2 dollars et 58cents ? •.•.• Hm ? C’était la promotion du jour ? oO Ah ben mince, si j’avais su, j’aurais pris les deux d’un coup directement. •.•.• Seulement l'un ou l'autre. •.•.• Ah non, ça va, je ne perdais pas encore la tête ! •.•.• Alors ce sera le café. Crème, s'il vous plaît. •.•.• Et deux muffins pour moi, s’il vous plaît, demandai-je, non, mon intention n’était absolument pas grillée, et j’avais déjà acheté le café •.•.• Précisai-je un peu inutilement en tapotant mon gobelet.

Coulant un regard vers le supposé mutant, je mis entre parenthèses mes tentatives de décryptage pour une entrée en matière relativement mauvaise, je devais le reconnaître. •.•.• Une nouvelle journée qui commence, il faut s’accrocher et rien de mieux que la caféine. Ou la théine. N’est-ce pas ? •.•.• Lançai-je en guise d’introduction bancale, le temps d’être servie à mon tour.

•.•.•