we are the future, not them

Tout à commencé de façon banale, ou presque. Il n'aura fallu qu'un mariage pour que la lignée Darrek pérennise. Comme souvent au Moyen Âge, ni Johanna de Galace ni Cyris Darrek ne s'était rencontrés, et ils ne s'étaient jamais aimés. Pourtant, leur relation était merveilleuse : ils s'appréciaient mutuellement, et le respect qu'ils éprouvaient l'un pour l'autre avait jeté de solide base pour leur famille. Et Cyris Darrek, deuxième du nom, en était bien la preuve : ce charmant bambin né neuf mois après le mariage arrangé vécu une enfance tout à fait admirable, et devint le bâtisseur de l'âge d'or de ses terres natales. Mais ceci est une histoire bien différente de celle de notre héroïne, et n'arrive pas encore au point de notre récit. Quelques années après la naissance de Cyris, deux ans très exactement, c'est Falko qui naquit. La maison Darrek semblait bénie de Dana, déesse-mère celte, car aucun de ses enfants ne mourut en bas âge. Et cette chance se poursuivit encore : troisième enfant du couple, c'est Aedis qui arriva, un an après Falko. Pendant ce temps là, l'éducation de l'aîné avait commencée : en temps que premier né, il était considéré comme le futur seigneur des terres, et était traité en conséquence : meilleurs précepteurs, éducation presque parfaite... Il apprenait à la fois la vie de cour et l'art de la guerre, bien qu'il ne soit pas destiné à être un guerrier. Et tout dans sa façon d'être prouvait que ce jeune garçon était destiné à son rôle. Falko, quant à lui, avait droit à une très bonne éducation aussi, bien que dans l'ombre de son frère, et destiné à une fonction moins prestigieuse : en temps que deuxième mâle de la famille, la prêtrise lui serait inévitable. Aedis était elle destinée à transmettre à sa famille terres et richesses de son futur époux, ce dernier étant dûment sélectionné parmi plusieurs bons partis dans les environs. Mais déjà à trois ans, quand son petit frère Siegfried naquit, elle avait du mal à se conformer à une vie calme et basée sur la parfaite femme au foyer. En grandissant, elle devenait plus sauvage, s'adonnant avec plus de passion à la course dans les bois qu'à la couture. Les choses n'allèrent pas en régressant, et la jeune fille, à neuf ans à peine, se faisait souvent récupérer et tirer par les oreilles par un Cyris âgé de 13 ans alors qu'elle jouait à la guerre avec des mioches de pauvres. Elle avait beau recevoir corrections et coups, son goût de l'aventure ne présageait rien de bon. Son père, résigné, finit par accepter qu'elle suive des cours d'escrime en même temps que son cadet. De toute façon, bonne femme ou non, le mariage serait arrangé, et n'engageait réellement que la famille du garçon. Ça allait juste poser problème au niveau de la descendance, mais jusque là, ils auraient encore le temps de rectifier le tir.
Ou pas. Ou pas, puisqu'en dépit de son sexe, elle se fit remarquer par un maître d'arme de passage sur les terres Darrek (qui, certes, de loin l'avait prise pour un jeune garçon), qui décida de prendre ce prodige en main. Elle entra à son service en temps que valet, puis grimpa rapidement les rangs, bien que son réel apprentissage se soit fait bien après la moyenne, soit 7 ans. Elle devint page, puis écuyer de Daras Ek'Malor, le-dit maître d'arme. Puis, l'année de ses dix-huit ans, comme le veut la tradition, elle se fit adouber à la Saint-Jean. Après un bref arrangement avec son suzerain, il fut décidé que son sexe ne serait pas dévoilé, et que donc l'adoubement se déroulerait en huis-clos (on peut mentir aux hommes, mais pas à Dieu, qui doit bénir les chevaliers pendant l'adoubement). Ainsi fut fait, bon gré mal gré. Et durant deux ans, Aedis chevaucha au côté des plus grands : Lancelot, Bohort, Agravain, Agloval, ainsi que le frère de ces deux derniers, Gauvain. Cet homme devait être le pilier central de sa vie. Ainsi, quand elle rentra dans son fief natal, alors qu'elle avait vingt ans, quatre bouleversements eurent lieu dans sa vie, plus ou moins importants. En premier lieu, son frère Falko, devenu prêtre entre-temps, fut envoyé à Rome, officier là-bas comme évêque, bien que des rumeurs fortement confirmées courent que cet éloignement soit du au bâtard d'une jeune paysanne des environs. Aussi, Johanna, après des années sans enfants, donna naissance à une charmante petite fille, Victoire, 24 ans après la naissance de son aîné Cyris. Et comme jamais deux bonnes nouvelles sans trois, Gauvain demanda sa main à Aedis, qui se fit une joie d'accepter, tout comme ses parents. C'était l'union parfaite, mêlant amour et intérêts. Et malgré cette avalanche de bonnes nouvelles, ou peut-être à cause d'elle, le destin décida de faire avoir un accident à Cyris (sénior) et à son plus jeune fils Siegfried, âgé de quelques dix-sept ans. En effet, les deux avaient participé à une joute, mais alors que le temps se déchaînait, un orage avait éclaté, et un éclair surpris les chevaux, qui s'étaient emballés. Les deux hommes, bien que cavaliers émérites, étaient tombés, et morts sur le coup. A partir de ce moment là, Johanna resta alitée, amorphe, et ce pour le reste de sa vie. Victoire, désormais orpheline de père, et psychiquement de mère, fut éduqué par son frère Cyris et sa nouvelle femme Lyne, et elle grandit avec les enfants de ce dernier.
Aedis, après la mort de son frère Siegfried, décida de prendre son poste. Il faut savoir qu'au Moyen Âge, les trois premiers fils avaient des fonctions bien précises : l'aîné pour le domaine, le deuxième pour l'Église, le troisième pour la chevalerie. Comme dit plus tôt, le fait qu'Aedis soit chevalier n'influait pas réellement son destin. A présent que le troisième fils était mort, elle décida de se mettre au service du roi comme il l'aurait fait s'il avait atteint l'âge requis.
Les années passants, elle retourna souvent au domaine voir Cyris, et s'étonnait à chaque fois du nombre de rides qu'il présentait. Quant à son époux, lui aussi prenait de l'âge, mais le voyant tous les jours, elle le voyait moins. Pour Falko, les choses étaient différentes : depuis qu'on avait appris sa nomination comme archevêque puis cardinal, il avait disparu de la circulation. Tout le monde pensait qu'il était mort.
Et le jour de ses trente ans, Aedis prit conscience d'une chose, alors qu'elle se disait qu'elle était au faîte de sa vie : elle n'avait pas vieillit. Douze ans qu'elle était chevaleresse, douze ans qu'elle n'avait pas vieilli. D'abord surprise, elle alla voir quelques druides, mais aucun ne lui répondit concrètement. Laissant couler les années, elle continua comme si de rien n'était, laissant de côté la surprise de ses compagnons d'arme et proches. Après tout, tant mieux, si elle était encore fraîche et dispose comme au premier jour !
Les choses se précipitèrent. Lors d'une mission dans les terres saxonnes, près dix ans après la découverte de cette particularité, une bataille plus épique que les autres couta la vie à la majorité des membres de son groupe. Dont Gauvain. Loin, en terre ennemie, elle dut l'enterrer elle-même, avant de s'en retourner continuer sa mission, puis de retourner en Logres. Quand son frère aîné Cyris mourut de maladie alors qu'elle avait 41 ans, et que les gens commençaient à murmurer à propos de son physique, et qu'elle avait droit à des menaces de mort et des accusations de sorcellerie, elle décida de s'en aller. Prenant un cheval, son épée, et tout l'argent qu'elle avait, elle prit la fuite, changea d'identité et voyagea en Asie. A chaque escale qu'elle faisait, elle déclinait une autre identité, mais toujours avec le même âge. Pendant près de cent ans, elle visita l'Asie, en long, en large, et en travers. Elle visita certaines villes avec l'un des descendants de Marco Polo, et acheta finalement une petite villa au Moyen-Orient. Commerçant avec les Indes et la Chine, elle assurait la transition avec l'Occident. Elle se fit des contacts de par le monde, et se fit un petit nom (faux, bien entendu) chez les marchands et les itinérants. Sa porte toujours ouverte pour les voyageurs fortunés, elle s'enrichit plus personnellement en organisant de longs voyages dont les riches raffolaient, et dont elle servait parfois elle-même de guide. Mais les choses étant ce qu'elles sont, au bout d'une quarantaine d'année, elle simula sa mort dans une forêt chinoise, et se remit à voyager. Elle revint en Europe, et en 1534, elle prit part à l'expédition de Jacques Quartier, qui la mena en Nouvelle-France. Elle se lia d'amitié avec une petite famille Abénaqui, et le frère, en échange de verroterie, lui fit visiter les environs plus ou moins proches. Quand elle connut suffisamment la région, elle retourna dans la colonie française, et aida à établir des cartes. Surpris par cette demoiselle qui semblait si jeune et qui pourtant avait plus de courage et d'ingéniosité que bien des hommes, le Gouverneur local l'autorisa à prendre part à des expéditions et à l'ouverture de chemins. Comme elle parlait aussi certaines langues autochtones, elle servit de traductrice, pour aider aux traités locaux. Et, en 1603, elle dut encore une fois simuler sa mort, lors d'un éboulement. Elle voyagea seule quelques années encore, et après un tour de l'Amérique latine, elle rentra vers le Nord, et prit à nouveau le bateau en direction de l'Ancien Continent. Elle fit quelques recherches, et retrouva avec joie les descendants de Cyris et de Victoire. Elle avait les poches pleines d'or d'Amérique, et s'établit ensuite dans le Maghreb, où elle vivota jusqu'en 1750, année où il se passa... rien. Mais comme toujours, elle intriguait, cette demoiselle qui ne changeait pas, ou presque. En plus 400 ans, elle avait pris moins d'une dizaine d'année.
Elle prétexta cette fois-ci un voyage, et partit là où elle n'était encore jamais allé : l'Australie. Elle aida à l'implantation des colons, pour la plupart des Britanniques condamnés au bagne qui n'avaient aucune envie de refaire la traversée en sens inverse, au vu des conditions qu'ils avaient essuyées à l'aller. Elle commit une erreur, qui bien que pas fatale, lui fit vraiment mal au cœur. Et oui, elle retomba amoureuse. C'était un jeune homme qu'on avait envoyé en Australie pour avoir volé, mais Aedis trouvait révoltant qu'on règle ainsi le problème de pauvreté. C'est John Marsh qu'elle épousa. Au bout de cinq ans, n'y tenant plus, elle lui révéla toute la vérité. Il se montra plus compréhensif qu'elle ne l'aurait cru, et ils continuèrent comme si de rien n'était. Un nouveau siècle s'installa, et l'inévitable arriva, une fois de plus. Une fois que plus rien ne la retenait sur l'île, elle décida de trouver un lieu de résidence qu'elle pourrait habiter plus durablement. Elle retourna en Europe, où elle vit une fois de plus une nouvelle génération de Darrek, et prit le bateau jusqu'à New-York. S'achetant un appartement au cœur de la ville, elle se travestit, fit faire des faux-papiers, et se fit passer pour un jeune homme de 18 ans, diplôme en poche. Elle fit quelques études d'économie, trouva un travail, s'arrangeait au fil des années pour se vieillir avec du maquillage. Intriguant au sein de la politique, elle finit plus ou moins par hasard à accéder au Club des Damnés. De fil en aiguille, elle finit par comprendre qu'il y avait quelque chose de louche avec le Club, et fit sa première rencontre avec des mutants, accédant par la même occasion au Cercle intérieur.
Elle y rencontra quelques membres de l'époque, dont Azazel. Fascinée par son charisme et son immortalité, elle tenta de s'en faire allié. Avec le temps, ses sentiments à l'égard du démon changèrent, bien qu'elle les ignore totalement.
Grâce au Club, ses changements d'identité étaient moins irréguliers, et mieux contrôlés. S'inventant une nouvelle vie tous les cinquante ans environ, elle continuait aussi de s'entraîner à l'épée, comme elle le faisait depuis sa jeunesse. Elle avait atteint un niveau excellent, mais uniquement dut à sa pratique intensive du sabre. Envoyée sur le terrain pour les missions qui avaient trait à l'assassinat, elle s'amusait beaucoup. Surtout qu'elle n'aimait pas vraiment les humains. Oh ! Elle n'avait pas de réel grief contre eux. Mais elle savait que si n'importe quoi filtrait sur son âge, elle serait enfermé comme un rat de laboratoire, et serait tranchée, mixée, analysée pour concocter elle ne savait qu'elle médicament pour vieille peau en mal de jeunesse. C'est dans cet état d'esprit qu'elle côtoyait le Club, tout de même légèrement marginale face à certains esprits extrémistes qui composaient le Club.
Ainsi, vivant sa vie comme n'importe quel humain ou presque, elle vécut avec les autres membres du Club les évènements de 1962, et décida de garder sa place... Elle s'est engagée comme garde du corps d'un ministre, et fait son travail du mieux qu'elle peut... Tout en récoltant des informations dès que possible.
Ce qu'elle ignore, c'est que son deuxième frère, Falko Darrek, non content d'être un prêtre coureur de jupons, avait hérité d'une des mutations de sa sœur, à savoir la longévité. Lui aussi a beaucoup voyagé, et a abandonné la prêtrise depuis quelques siècles à présent. Et il a lui aussi débarqué à New-York.

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