flowers for a ghost

« Tuberculose. »

Le docteur ne prononça qu’un seul mot mais les yeux de mon père s’assombrirent aussitôt. Il savait ce que cela signifiait, tout comme les personnes présentes dans cette salle. Sauf moi. J’étais bien trop jeune, même si à leurs regards je compris qu’il arriverait malheur très prochainement.

« Combien de temps lui reste-t-il ? »
« Nous n'en savons rien, trois mois tout au plus. »

Une fois remercié, le docteur prit congé et nous laissa digérer cette nouvelle. Je me rappelle des larmes de maman et de son visage défiguré par la tristesse. Quant à papa, son visage resta ferme et grave, comme si la nouvelle ne le touchait pas plus que ça. Mais je savais au fond de moi que son âme hurlait autant que le faisait celle de maman. Il voulait juste paraître fort, pour elle et moi.

Ma sœur était malade, gravement malade. Pourtant je n'arrivais pas à réaliser que c'était bientôt la fin, que bientôt elle ne serait plus. J'aimais ma soeur plus que tout au monde, et je ne pouvais décemment pas imaginer qu'elle mourrait sans qu'on puisse faire quoi que ce soit pour la sauver.

Après la seconde guerre mondiale, de nombreux cas de tuberculoses firent leur apparition. Tous les patients traités finissaient par mourir, les uns après les autres. De tous temps cette maladie a tué, sans qu'on puisse rien y changer. Ravis d'avoir survécu à la guerre, mes parents avaient immigrés au Canada dans l'espoir de débuter une nouvelle vie. Et pour des exilés irlandais, le changement fut énorme, mais ils étaient tellement heureux que tout le reste n'importait plus. J'avais cinq ans à l'époque, et ma soeur sept. Tous les souvenirs de l'Irlande et de la guerre restent flous dans ma tête.

« Kate va mourir, pas vrai ? »

Mon père ne sut pas quoi répondre, quant à ma mère, elle me regarda de ses grands yeux verts noyés de larmes et de chagrin avant de répondre:

« Oui... »

Un simple mot, qui signifiait tellement.

Don't tell me if I'm dying, cause I don't wanna know. If I can't see the sun, then maybe I should go. Don't wake me cause I'm dreaming, of angels on the moon, where everyone you know, never leaves too soon.

Oh mon dieu !

« ... la terminaison du verbe être au présent du subjonctif ? »

Encore du blabla à n'en plus finir. Cela faisait deux heures que j'étais enfermée dans cette salle où il faisait beaucoup trop chaud pour un mois de janvier. Le professeur de français ne cessait de faire des vas et viens entre son bureau et le tableau, tout en récitant pour la énième fois les conjugaisons du de la langue française, et dieu sait ô combien elles étaient nombreuses. Bien sûr personne n'écoutait. Tout le monde préférait s'occuper d'une manière différente. Et moi, tout ce que je trouvais de mieux à faire c'était dessiner des cœurs dans la marge de mon cahier !

Conscient que personne ne l'écoutait cependant, il s'interrompit et nous jaugea du regard. Il posa cette question, afin de nous piéger, sachant pertinemment que personne ne connaissait la réponse.

« ... vraiment personne ? »
« que je sois, que tu sois, qu'il soit que nous soyons, que vous soyez, qu'ils soient. »

J'avais répondu ça du tac au tac, sans avoir écouté le professeur, sans même avoir une once de souvenir d'avoir appris ça quelque part. Tous les visages se rivèrent au mien. Comment je savais ça moi ? On l'avait jamais étudié et la langue française était connu pour être l'une des plus compliquées au monde. Mais j'avais un vague souvenir de l'avoir lu quelque part dans mon livre.

« Tout à fait correct miss McCourt. Encore une fois vous vous surpassez. Et vous avez un très bon accent. »

Certes il est vrai que j'avais toujours été très bonne en langue, mais jamais au point de me souvenir à ce point de choses aussi poussées. De plus, mon accent avait toujours été médiocre, du moins pas aussi bon.

« Bien maintenant ouvrez vos manuels page... »

born this way

Je me souviens encore très bien du jour où le professeur est venu me voir. J'avais vingt ans à l'époque. Les mutants n'étaient toujours pas connus, et moi-même j'ignorais qui j'étais, même si de nombreux doutes planaient.

« Grace, quelqu'un en bas pour toi. »
« J'arrive ! »

Un homme m'attendait. Je ne l'avais jamais vu de ma vie et pourtant sans savoir comment je savais que je pouvais lui faire confiance.

« J'aimerais m'entretenir seul avec Grace si c'est possible. »

Mes parents nous laissèrent, seuls.

L'homme s'appelait Charles. C'était un brillant professeur et chercheur en génétique. Il me dit qu'il cherchait des gens comme moi, que nous faisions parti de l'évolution. Que mes pouvoirs ne devaient absolument pas m'effrayer, mais au contraire servir au bien de l'humanité. Bien sûr je ne l'ai pas cru, mais au fond de moi, toutes ces bizarreries qui m'arrivaient semblaient sur le point d'obtenir quelques explications. Je pouvais parler les langues que je souhaitais en un rien de temps, seulement en les lisant. Il m'expliqua que je faisais partie des "mutants", que mon ADN avait évolué plus vite que celui des autres. Je n'avais pas peur, j'étais seulement intriguée.

Il me proposa de me joindre à lui mais je refusai. J'avais besoin de temps pour réfléchir, et digérer l'information. Je voulais savoir si c'était vraiment ce que je voulais faire ou non avant de me lancer. J'ignorais si j'étais prête à me lancer dans quelque d'aussi important que ça. Je ne voulais pas tirer un trait sur ma vie d'avant de sitôt. Il me fallait peser le pour et le contre avant de décider quel choix était le bon. Bien sûr je n'ai jamais parlé de mes parents à propos de tout cela. Ils ont toujours cru que c'était le directeur d'une grande école pour surdoués, car c'est ce que je leur avait dit.

Je préféra donc continuer mes études de médecine, mais je n'étais pas assez bonne pour devenir infirmière. Il faut que les sciences et moi ça n'a jamais été une grande histoire d'amour. Je me tournai donc naturellement vers un métier plus dans mes cordes. Je devins Aide-Soignante dans un hôpital pour enfants malades, la mort de ma sœur étant restée gravée dans ma mémoire pour toujours. Entre temps, un nouveau don a fait son apparition et même si je ne le contrôle pas trop bien pour le moment, j'essaye tant bien que mal de nouer vie normale et vie mutante.

J'ai finalement décidé de rejoindre Charles et sa cause, qui créa son école pour surdoués finalement. Plus par envie de protéger les gens que par envie. Et puis sans lui jamais je n'aurais été capable de contrôler mes pouvoirs aussi bien.

Mes débuts ne furent ni glorieux ni catastrophiques. J'étais juste un peu perdue, et puis New York était une ville très différente de Vancouver. Plus grande et plus imposante. J'eus également beaucoup de mal à m'habituer au rythme de vie américain.

Avec le temps, je suis passé du statut d'élèves à celui de X-Men, ça fait toujours bizarre de dire ça mais ça me plait. J'aime le fait de devoir guider les petits nouveaux, de devoir les conseiller et de les aider. Je tiens à eux comme une véritable mère-poule, même si je ne suis pas bien plus vieille que la plupart d'entre eux. J'ai pris un poste d'infirmière à l'Institut en parallèle avec mon boulot d'aide-soignante. Soigner les gens, qu'ils soient humains ou mutants, m'apporte beaucoup de satisfaction. Je fais tout ça pour Kate en partie, sa mort m'a permis de voir que la vie est trop courte et qu'il faut en profiter.

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