Malheur! Le liquide chaude, bouillant, limite brulant se rependant à grandeur du comptoir caisse sous le cri, d’abord surpris, de l’Anglais qui par réflex avait fait un bond en arrière. La caissière fit de même en grommelant quelques jurons incompréhensibles. Il réagit enfin en couvrant la scène d’excuses maladroites et attrapa le premier bout de tissu qui lui tombait sous la main, ne se rendant pas compte là encore qu’il s’agissait du foulard blanc d’une cliente, pour en éponger la gaffe qui coulait à présent dans le clavier de la caisse. La furie féminine à qui appartenant l’épave de tissu noyé dans le café se leva d’un bond, l’injuriant à tout va alors qu’il sentait l’odeur de brulé que provoquait les étincelles qu’il entendait crépiter dans l’instrument. La furie vivante lui arracha finalement le foulard et quitta le café, un air rageur et indigné sur ses traits de grosses femmes avide de malbouffe, et tout ceci en claquant la porte de manière à en faire trembler la charpente. Il se retourna finalement vers la caissière qui lui lançait des éclaires par les yeux. Le feu lui monta aux joues, terriblement mal à l’aise, mais en ayant l’habitue des choses à grande échelle malgré tout. Pour se faire pardonner, il paya le café renversé et en paya un second. Elle ne dit rien, se contentant de fulminer entre ses doigts et s’éloigna pour obéir aussi docilement que possible avant qu’une envie de meurtre ne lui prenne, sans doute.

Lawrence s’appuya momentanément au comptoir, dans un soupire de résignation. C’était à croire qu’ils étaient littéralement un vendredi treize. Ce n’était pas possible créer tant d’évènements en chaine pour une toute petite gaffe que plein de gens font quotidiennement. Enfin, fallait quand même que ça tombe sur lui. L’attention du public, si elle n’était plus rivée sur lui, il pouvait encore entendre un ou deux ricanements discrets (autant que possible, du moins) à son égard. Il ne le prit pas mal… À quoi bon ? Heureusement qu’il ne portait pas l’uniforme ce jour-là… s’en aurait été fini de sa réputation d’aide social et de bon gars de la société. Il aurait fini sur le trône des empotés. Qui voudrait se faire aider par un de ces types ! Pas même lui ne le souhaiterait.

Un toussotement ennuyé dans son dos le fit se retourné. Il accrocha un nouveau sourire sur ses lèvres malgré la frustration toujours présente, bien que plus calme, sur le visage de la caissière. Il paya comptant et fila à pas rapides vers la table la plus reculé possible, de manière à ce qu’il puisse se faire un peu oublier. Se serrant sur sa chaise, il renifla un peu, sentant une grippe future sans doute, cala ses mains contre le contenant chaud pour y garder la chaleur, pour l’absorber, par habitude. Il en ouvrit timidement le couvercle, plus délicatement que le ferait n’importe qui d’autre à sa place, observant la fumée humide et chaude se dégager, se libérant aussitôt. Il huma l’odeur et plissa du nez. Il sentait déjà qu’il allait regretter d’avoir pris un café plutôt qu’un auquel il était bien plus habitué. C’était sa préférence, d’ordinaire d’ailleurs. Il osa enfin gouter. Le gout amer qui se rependit le laissa un peu ennuyé : une grimace apparue sur ses traits dédaigneux. Il referma le couvercle et repoussa le contenant cartonné au centre de la table, se résignant sans doute à ne pas tenter l’expérience une seconde fois. Les Américains et leur boisson noire : c’était sans doute la seule chose à laquelle il ne parvenait à s’adapter.

Ah, ces Américains avec tout ce qu’il y a de plus extravagant. Ça n’avait pas été pour lui déplaire, au début. Mais à présent qu’il voyait l’autre côté de la médaille, il se détachait de plus en plus d’eux, rêvant secrètement de rentrer chez lui. Mais il y avait des gens ici qui comptait pou lui bien plus que le moindre membre de sa famille purement Anglaise, purement hautaine. Et malgré tout, il s’était épris du pays, bien qu’il ne l’aima pas d’amour véritable. Il n’y était pas originaire après tout, et on ne pouvait arracher ses racines naturelles à un homme.

Pour que Raven s'éloigne du club, il lui fallait de très bonnes raisons. La première était quand Erik l'envoyait en mission, mais la chose était, en soi, plutôt rare, car par certains égards, certains plus flous que d'autres, Raven ne côtoyait que peu le terrain. Manque d'expérience, besoin quasi pathologique pour Erik de la savoir en sécurité, besoin encore plus pathologique de Raven de rester près de lui... Tout ceci l'avait conforté dans l'idée que le club était désormais son quasi unique terrain de jeu, et au fond, cela lui suffisait, car ce terrain comprenait le corps d'Erik, et Raven ne se lassait jamais de l'explorer. Ceci amenait à la seconde raison qui la poussait pourtant parfois à sortir de ses murs : quand Erik lui même était absent et n'avait pas souhaité l'avoir à ses côtés en déplacement, rester enfermée dans sa tour d'ivoire perdait grandement de son intérêt à ses yeux. C'est ce qui l'avait amené ce jour là à retourner zoner dans les rues de New York, sans but précis autre que de casser l'attente qui lui semblait interminable de son retour.

Ainsi, Raven avait revêtu son apparence de jeune américano-slave lambda, et s'était retrouvée dehors à marcher sur Times Square sans but précis. Elle ne ressentait pas vraiment la morsure du froid, mais les rues désertes la poussèrent à chercher du monde, de la compagnie, de quoi s'occuper, et c'est ainsi qu'elle finit par passer les portes d'un Starbucks café, espérant l'endroit bondé et animé. Mais qu'elle ne fut pas sa déception quand elle entra, ne trouva que quelques rares buveurs de café, et se fit servir avec le strict minimum de politesse par une serveuse de mauvaise humeur. Renfrognée, elle prit son latte sans même un merci et fila s'installer au fond du café. Malheureusement, la table qu'elle visait était occupée. Génial. Tout pour la contrarier. Détaillant rapidement le jeune homme qui avait l'air d'aussi maussade humeur qu'elle, elle refusa d'entrée l'idée de lui demander de s'asseoir avec lui. Elle avait envie d'égayer ce jour, pas l'inverse. Et alors qu'elle s'apprêtait à faire demi tour, ce fut le drame. Elle heurta un homme qui se levait de sa table et son café brûlant explosa dans sa main, si bien qu'elle s'en reçut au visage. Dans un réflexe, elle se retourna et se recroquevilla sur elle-même. Aux endroits brûlés, sa peau était redevenue bleue sous le coup de la chaleur et de la douleur qui en avait résultée: joue, un bout du nez et des lèvres... Désemparée, son regard tomba dans celui du garçon isolé. Fermant les yeux en rabattant ses mains sur son visage, elle aussi bleues par endroit sans qu'elle ne s'en soit rendue compte, elle s'attendit à l'entendre crier et à devoir courir au dehors. Sous le choc et la panique, elle resta tétanisée au milieu de l'allée, dos à tous, sauf à lui. Lui qui allait la démasquer. Lui qui savait désormais qu'elle n'était pas normale. Lui de qui, au fond, tout dépendait désormais...

Son air perdu dans le vague, un regard qui ne se rendait plus vraiment compte de ce qui se passait devant lui. Les pensées lointaines étaient parvenue à le plongé dans cette léthargie idéaliste et silencieuse. Il s’y sentait bien… Entre ses coups de colère au quart de tour, ses envies de hurler sa frustration contenue, le rebelle en lui qu’il tentait tant bien que mal d’enchainé se calmait… Il se calmait pour gagner un genre plus mature que ce qu’il avait habitude. Puisque, malgré son âge, il avait toujours un peu tendance à se comporté en gamin frustré et non pas comme l’adulte qu’il était. Il son très perceptible lui fit toutefois retomber les deux pieds sur terre, dans le moment présent. Il releva aussitôt ses yeux vairons pour les darder sur la source de ce désagrément à son quotidien. Il ne vit que la réaction, pour tout dire… La jeune femme s’était retournée vers lui pour fuir un certain malaise évident dû à sa maladresse. La tasse avait déversé son flot bouillant contre elle et, logiquement, la morsure de la brulure s’était faites contre la peau des plus féminines. Il réagit toutefois plus rapidement qu’il s’y attendait. En moins de deux, il s’était levé de sa chaise pour se précipiter vers elle en marmonnant un « je m’en occupe » professionnel qu’il valait mieux ne pas contredire. Il avait vu. Il n’était pas aveugle pour autant. La déformation évidente de la peau n’était pas ce à quoi il était habitué. Il n’y avait pas réfléchi toutefois et s’était contenté de réagir plus vite que les autres, par habitude sans doute. Il saisit la jeune femme, délicatement, prenant garde à ne toucher à aucune des brulures, de manière la forcé à se relever…

« Venez avec moi, je vais vous soigner… »

Ce n’était pas un conseil qu’il lui faisait. C’était plutôt une obligation fine, sans brutalité, sur un ton doux qu’il aurait sans doute voulu rassurant s’il ne s’était pas senti brusqué de l’éloigner de la foule. Il ignorait ce qui le poussait à cela… Trop de gentillesse? Son côté aidant? Son envie de sauver le monde, peut-être? Ou autre chose… l’étrangeté de la situation, et surtout… elle. Sans même s’en rendre compte, elle avait provoqué en lui un écho familier. Il l’entraina donc avec lui, qu’elle le veuille ou non, vers les salles de bains, sans trop se préoccuper de laquelle il empruntait avant de se décider à verrouiller inévitablement. Il détestait les curieux et les repoussait toujours le plus loin possible de lui. Il abaissa le couvercle de la seule toilette disponible et l’invita à s’asseoir. Il saisit plusieurs couche de papier, même si ce n’était pas spécialement ce qu’il préférait dans ce cas, mais se serait suffisant, ce n’était pas si important que ce qu’il semblait avoir cru au premier plan. D’eau aussi froide que possible se fasse, il en imprégna le papier brun avant de revenir vers elle.

« Ce n’est pas très grave. Venez, je veux que vous mettiez vaut mains dans l’eau, ça soulagera et ceci contre votre visage. »

Le fait qu’il n’ose pas réellement la toucher le perturbait, ce n’était habituellement pas ce qui le dérangeait. Peut-être était-ce l’étrangeté de la situation qui le rendait ainsi, plutôt maladroit… Mais il lui décrochait instinctivement un sourire réconfortant.

À vrai dire, s’il n’avait pas compris d’abord, il saisissait, à présent que le drame était coincé derrière cette porte, loin de toute attention, qu’il avait fait en sorte de l’éloigner aussi vite que possible se fasse d’un regard trop curieux, il pouvait aisément s’interroger… Il n’y avait pas grand-chose qui pouvait provoquer ce changement surprenant de couleur sur une brulure. Non, en fait, il n’y avait rien de tout ceci dans les livres de l’urgentiste. Et c’était peut-être justement ce qui l’avait perturbé et qui avait résonné en lui comme quelque chose qu’il n’ignorait pas. Elle était aussi différente qu’il l’était secrètement… Et c’était bien ce qu’il craignait, justement. Il n’avait en soi jamais croiser d’autres mutants. Du moins pas à sa connaissance. Et cette seule idée le secouait un peu…