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Washington DC. Bientôt minuit. L'heure du crime, comme l'on avait coutume de dire ; une heure assez avancée dans la nuit et en même temps, déjà, annonciatrice d'un jour nouveau... Mais nos protagonistes n'avaient que faire de la symbolique de cette heure centrale de chaque journée. Eux, n'étaient intéressés que par son apport stratégique : le milieu de la nuit, et le moment où la somnolence commence à s'installer, et donc où l'élément de surprise est le meilleur...
Un craquement résonna dans une ruelle adjacente, suivi de quelques bruits de pas qui se répercutèrent contre les murs. Un soupir dépassa alors les lèvres de l'Américain, en tête de file, alors qu'il fit rouler ses épaules, pratiquant quelques échauffements inutiles avant de retourner son regard sur ses compagnons. Celui à la peau rouge restait stoïque, tandis que la demoiselle se tenait plus en retrait, sans les regarder, peut être peu ravie de cette composition de groupe. Ou peut être pas. A vrai dire, il n'en savait trop rien. Camden ne la connaissait pas assez - et n'avait rien fait pour la connaître mieux - il était mal placé pour savoir ce qu'elle pensait... Le seul constat qu'il pouvait faire, c'était qu'il n'y avait pas d'affinité particulière entre les personnes présentes ce soir, et qu'en temps que seule femme, quelque part, elle pouvait se sentir en minorité. Les yeux bleus du jeune homme retournèrent se prostrer sur la silhouette du démon, impassible. Aussi loin que sa mémoire remontait, il ne se souvenait pas l'avoir entendu parler. Tant mieux. Il aimait mieux le silence. Toujours mieux que parler pour rien. De nouveau, il fit rouler ses épaules, bien qu'en vain. La sensation ne s'en irait pas pour autant. C'était toujours étrange de subir les téléportations d'Azazel. Pas désagréable pour autant, mais étrange. A chaque fois, il se sentait toujours un peu nauséeux après, comme si, l'espace d'un cours instant, son corps n'avait plus été le sien et qu'il venait de le réintégrer. Une expérience dont il aurait pu aisément se passer, bien qu'il devait avouer que cette façon de se déplacer avait bien des avantages.
S'arrêtant en plein milieu de la ruelle, Camden s'accroupit, avant de faire un pas de plus sur le côté. Une manoeuvre qui pouvait sembler étrange pour toute personne ne sachant pas qu'il pouvait sentir l'électricité dans les câbles sous ses pieds, réagissant à son pouvoir, même s'il ne pouvait pas la contrôler pour autant. Posant sa main au sol dès qu'il jugea l'endroit adéquat, il se concentra pour créer son propre flux de courant, qu'il envoya directement à la source, augmentant ainsi le voltage initial, court-circuitant le système. En avancant de quelques pas, ils purent constater le passage de toute l'électricité du site sur le groupe électrogène, réduisant déjà une partie de leur capacité. Camden tourna son regard sur Azazel qui devait s'occuper de mettre le dispositif hors service afin de permettre la coupure totale du courant, qui n'était pas de son ressort. Ce dernier hocha la tête avant de se volatiliser. Environ une minute plus tard, le bâtiment plongeait dans le noir total, et Azazel reparaissait. Chaussant leurs lunettes à vision nocturne - bien qu'encore de jeunes prototypes, créé à la base pour les soldats en guerre contre le Vietnam - Camden se tourna vers Aedis pour lancer :
– Il est temps de faire notre entrée.
C'était plutôt son entrée, d'ailleurs vu qu'il serait celui qui ferait à peu près tout, étant le seul avec un don réellement offensif. Aedis était la carte Joker, l'assurance pour pallier à la possibilité que la CIA ait fait quelques avancées concernant la question mutante... Par exemple, trouver un télépathe pour éviter que ce genre d'attaque n'ait lieu. On était jamais trop prudent. Mais de base, la mission était simple : voir s'il restait des vestiges du Cerebro, où en était leurs recherches sur la question... Et si recherches il y avait, les prendre ou les détruire. Bref, un bon petit carnage en perspective, avec bonus à la clé pour le Boss dans le meilleur des cas. Mais aussi, et surtout pour Camden, prouver à Erik qu'ils méritaient leur place au sein du Club.
Une nouvelle transportation d'Azazel plus tard, les deux mutants se retrouvèrent à l'intérieur, livrés à eux-même dans la partie laboratoire du bâtiment. Azazel, de son côté, ferait diversion dans l'autre aile pour leur laisser le temps de mener à bien leur tâche.
– Essaie de ne pas te faire tuer. Lâcha Camden au géant rouge, lui arrachant un rictus avant qu'il ne disparaisse. Et toi, évite de nous faire repérer.
Car à présent, ils se débrouilleraient seuls. Et il fallait bien dire les choses comme elles étaient : en cas d'embûche, il n'était sûr de pouvoir compter que sur lui-même.

Aedis était ravie. Du moins, au début. On lui avait enfin confié une mission, après quelques temps d'inactivité, qui lui avaient vite tapés sur le système. Ce n'est pas parce qu'on a une pseudo immortalité devant soi qu'on est obligé de la gâcher en faisant... En ne faisant rien justement. Enfin, rien, c'était vite dit. Elle s'était entraîné à un point exceptionnel, peut-être plus que dans le reste de sa vie, sur son pouvoir secondaire. Et c'était sans doute pour ça qu'elle avait été choisie pour cette mission : ses efforts n'avaient pas été vains. Non seulement elle était toujours impénétrables aux télépathes, empathes et j'en passe des meilleurs, mais elle arrivait maintenant à étendre cette protection, de manière certes plus faible, aux personnes de son choix, pendant une durée limitée. Très limitée, en fait, malheureusement. Sans se pousser, elle arrivait à vingt minutes une demi-heure. Si elle voulait pousser plus loin, elle commençait à saigner du nez, à avoir des faiblesses... Et finalement tomber dans les pommes. Pas bonne idée.
Mais cette évolution lui permit donc d'accéder à une mission, ce qui n'était pas pour lui déplaire. Elle était accompagnée d'Azazel, toujours aussi froid, distant, professionnel et peu bavard ; ainsi que de Camden Laswell, un simple membre du Club. Leur mission, comme ils l'avaient acceptés, était de récupérer des infos sur Cérébro, et les détruire si possible. Un jeu d'enfant. Ou pas.
Ça serait à déterminer au courant de la mission. Après tout, c'était un peu eux, les éclaireurs. Azazel les emmena, et Aedis ne put s'empêcher de frissonner, à la fois à cause du contact du démon, mais aussi à cause de la téléportation. L'idée de partir d'un endroit, et de se retrouver à un autre lui faisait froid dans le dos. Et entre les deux, il y a quoi ? Voilà qui était une très bonne question. On ne peut pas défier ainsi les lois de la physique... Et de la biologie alors ? Sa mutation n'était pas active, ce n'était pas pareil. Et en quoi donc était-ce différent ? Elle secoua la tête, agacée, regardant Azazel faire ses allées et venues, et Camden mettre hors-circuit leur... circuit électrique.
Ils entrèrent, toujours grâce au démon, et se séparèrent. Camden demanda à Azazel d'être prudent, et à Aedis de ne pas les faire remarquer. Acerbe, elle murmure :

- La remarque compte pour toi, jeune homme.

Pour qui connaissait un tant soit peu la demoiselle, l'insulte résidait surtout dans le tutoiement. Née dans un Moyen Âge très codifié, le tutoiement était réservé aux jeunes enfants, en dessous de 5 ou 6 ans, voire 3 ou 4 chez les nobles, et aux castes inférieures. Même les serviteurs et les serfs étaient vouvoyez. Et Aedis n'avait pas perdu cette sale habitude, ce qui surprenait plutôt les gens, d'ordinaire. Mais elle n'en avait cure face à Camden. Qu'il relève ou non ne l'importait pas. Sa remarque la faisait se sentir inutile, alors que... Qu'elle était habillée d'une tunique médiévale, de chausses d'époque, et que, surtout, surtout, son épée pendait à son côté. Des centaines d'années de pratique ne rendaient pas cette arme inoffensive, et Aedis était suffisamment souple et agile pour éviter des balles, d'autant plus que sa perception était elle aussi travaillée.

- Bien. D'après les plans très approximatifs que nous avons eu entre les mains, c'est par là.

Elle avança, légèrement devant Camden. Là encore, langage gestuel à interpréter. Même s'il s'avisait d'accélérer le pas, la "jeune" femme resterait au minimum à sa hauteur. Pas question qu'il mène la danse.
Tout à coup, un bruit de pas retentit dans le bâtiment. Dès qu'une intersection fut en vue, elle se jeta contre le mur, épée dégainée, de façon à ce que les personnes ne puissent les voir qu'en se retournant. De toute manière, il n'y avait pas de lumière.