Les yeux dans le vague, le bonnet enfoncé sur le front, Elias s'arrêta dans la rue, se retourna et regarde autour de lui avec cette impression d'avoir encore quelqu'un sur le dos, mais il n'y avait personne. Il fit la moue, et baissa à nouveau les yeux sur le sol. Il se mit à marcher dans la ruelle, calme, au rythme du son qui passait dans son crâne. Il affichait un air calme, presque même enthousiaste. Il avait reçu un message très tôt dans la matinée le conviant à une entrevue avec Erik Lensherr à Wallstreet, lui indiquant qu'ils devraient « vérifier l'état de leur compte en banque ». C'était sans doute un code ou une « joke », Elias ne pensait pas qu'ils en aient réellement besoin. Enfin, pas son compte à lui en tout cas. Le dernier vernissage avait eut raison de son stock de peinture. Sur quatre trois tableaux, seulement trois n'étaient pas partis. Le prochain vernissage était dans trois mois, et il lui faudrait à nouveau dévoiler une partie de sa vie, en une trentaine de tableaux. Ce challenge, en temps normal, aurait fait peur à n'importe qui, mais les insomnies chroniques dont il souffrait – quel paradoxe par ailleurs pour un Sandman comme lui – faisaient qu'il était deux à trois fois plus productif que n'importe qui. Le Club ne lui prenait finalement que peu de temps comparé à ce qu'il avait imaginé, et c'était peut-être aussi bien ainsi.
Il fronça légèrement les sourcils en se souvenant de sa rencontre avec Charles Xavier. S'il avait cru un instant que c'était l'ami d'Erik – il avait entendu les rumeurs qui courraient, et n'était pas bête à ce point, il ne serait sans doute pas aller si loin dans la conversation. Il aurait au mieux... fait que cela se passe autrement. Il fit la moue en se disant qu'il ne faudrait pas entamer ce sujet auprès de Magneto. Par crainte, peut-être, mais surtout pour ne pas avoir à lui expliquer comment tout ça s'était passé, et ce qui en résultait. Non, tout sauf ça. Elias inspira profondément quand quelqu'un lui rentra dedans et repartit, sans s'excuser. Les grands yeux verts du jeune homme se fixèrent sur la personne, froid et noir, puis il soupira, et se calma aussitôt, avec un sourire timide en coin en voyant qu'il se maîtrisait de mieux en mieux. Il sepinça les lèvres, sortit ses mains des poches de sa veste de cuir noir et regarda l'heure. Comme d'habitude, il était en avance de plusieurs minutes sur l'heure prévue. Une de ses craintes premières, avec Erik, était l'heure. Arriver en retard le rendait tellement anxieux qu'il hésitait jusqu'à prendre des médicaments pour calmer cette anxiété avant de venir. Venait ensuite le sujet qu'ils allaient aborder. Selon le papier, ils parleraient argent. Soit. Ça ne l'inquiétait pas. Si Erik lui demandait, il dirait sans doute oui sans hésiter, parce que c'était sa façon de lui montrer qu'il travaillait dur pour le Club, et parce qu'il ne voulait certainement pas le mettre en colère.
À l'intérieur de lui, il y avait bien cette idée de ne pas se laisser faire, de se dire que c'était son argent, que c'était lui qui l'avait gagné, mais d'un autre côté, il y avait des sentiments angoissants qui l'avertissait que si Erik le mettait de côté ou se sentait déçu par lui, il rentrerait à nouveau dans une phase dépressive et anxieuse, et c'était bel et bien un état qu'il détestait entre tous. Il hocha la tête pour lui-même et entra dans le grand bâtiment qu'était Wall Street, avec encore un bon quart d'heure d'avance. N'importe qui aurait trouvé cela étrange finalement qu'Elias apporte autant d'importance à l'avis ou même ne serais-ce qu'à l'existence d'Erik, et aurait soupçonné qu'il se passe quelque chose entre eux, mais c'était bien loin de la vérité. Comme une relation père et enfant, Erik s'affichait en leader et dominant du duo. Et le fou noir, lui, suivait aveuglément, avec un sourire en coin, un peu timide et gêné, les joues rouges de plaisir à l'idée d'être utile, son roi noir. Une pièce sur l'échiquier, soit, mais pas n'importe laquelle. Un fou noir.
Il se racla la gorge et tenta d'avancer un peu vers les fauteuils, là où Erik venait toujours le chercher. Elias n'aimait pas vraiment ce genre d'endroit bondé de monde. D'une parce que se faire bousculer ne lui faisait jamais plaisir, et surtout parce que c'était une concentration d'êtres humains trop importantes. Il baissa les yeux en sentant un regard sur lui, comme un enfant pris en délits, mais lui n'avait rien fait d'autre qu'exister. « Vous attendez quelque chose, garçon? » Le jeune homme releva le nez, et observa l'agent de sécurité qui le fixait méthodiquement. Peut-être que ça ne se voyait pas, mais oui, il était riche Elias. Riche avec tellement de zéros derrière le 1 que ça en aurait fait pâlir plus d'un. Il pinça les lèvres, rougissant, gêné qu'on lui adresse la parole. « Oui, oui. C'est ce que je fais. J'attends. » « Et vous attendez quoi comme ça? »
Elias ravala sa salive, se sentant inutilement oppressé. Se gérer. Il leva doucement la main et passa son index sur sa joue, la frottant nerveusement. Son regard fuyant n'aidait pourtant pas à le croire irréprochable. « J'ai un rendez-vous. » L'agent de sécurité haussa un sourcil, perplexe. « Votre pièce d'identité, s'il vous plaît. » Elias baissa les yeux, et fouilla dans ses poches pour en sortir son permis. L'agent l'attrapa, lu le nom, pinça à son tour les lèvres avant de le lui tendre à nouveau. « Excusez-moi monsieur Lovecraft, je pensais que... enfin... » Le peintre releva les yeux, observa cette masse de graisse et de muscle, cet agent qui organiser la vie ici finalement, empêchant des fous furieux de venir et de tout saccager. Elias hocha la tête, avec un sourire toujours aussi timide et pincé. « Ce n'est pas grave. »
L'agent hocha la tête et tourna les talons sans demander son reste. Un bonnet sur la tête, et un long manteau troué sur le bas, ses chaussures de sport aux dessous de talons recouverts de peinture, Elias n'avait de prestance que dans le regard. Son visage était dur quand son regard était froid, mais là, comme ça, il ne ressemblait à rien d'autre qu'à un enfant un peu perdu dans un monde de géant, attendait son maître. Un petit chien, oui.

Il avait traversé le grand salon et était resté debout, les yeux rivés sur le miroir qui surmontait une commode du couloir. Là, face à son propre reflet, il était resté silencieux, immobile. Pensait-il seulement à l'apparence qu'il avait ? Le regard dur, il ne s'attarda pas sur le trois pièces qu'il portait, ni sur l'allure de ses cheveux, qui manquaient quelque peu de volume en raison de ce casque qu'il portait la plupart du temps… La seule chose qu'il fit fut dévisager son propre visage. Il fit quelques pas en direction de la glace puis recula soudainement. Durant un court instant il crut que ses traits ne lui appartenaient plus, comme si un fantôme l'eût possédé pendant une poignée de secondes… Un fantôme qu'il aurait aimé oublier mais qui semblait le persécuter nuit et jour. Shaw était mort et enterré, pourtant il continuait de vivre à-travers lui, il le savait et le sentait au plus profond de lui-même. Tout comme il le lui avait dit au moment de son meurtre, Sebastian et lui partageaient les mêmes idées, la seule raison -et pas des moindres, pour laquelle il désirait le voir mort était la tragique disparition de sa mère. Il s'interrogea alors : En reprenant les rennes du Club, avait-il pour but réel de devenir comme lui ? Deviendrait-il à son tour le meurtrier de sa mère ? Un frisson lui parcourut l'échine alors qu'une silhouette vint s'ajouter à son image. ▬ Tu es encore là ? Il leva la tête et vit se dessiner Emma, les sourcils froncés. ▬ Tom t'attend dans la voiture depuis un quart d'heure déjà. Il se retourna. ▬ Ca lui fait du bien d'attendre. ▬ Tu n'es plus à ton école Erik, tu as d'importantes responsabilités. répondit-elle avant même qu'il n'eut le temps de poursuivre. ▬ Des responsabilités envers des humains, j'en doute fort. ▬ Je n'ai jamais dit que tu avais rendez-vous avec un humain. Il arqua un sourcil et laissa la commissure de ses lèvres s'étirer. On lui avait déjà dit que les membres du Club étaient bien plus nombreux qu'il ne le paraissait, mais il ne se doutait pas réellement de la largeur du cercle relationnel qu'ils avaient à portée. Il prit finalement sa veste et quitta l'hôtel pour monter dans la voiture.
À la tête du rouquin il devina que cela faisait plus d'un quart d'heure qu'il l'attendait. Il n'émit aucune réponse à son bonjour à l'excepté de cela : ▬ Tu as prévenu Sandman ? ▬ Oui, monsieur. ▬ Magneto. ▬ Excusez-moi. Oui, Magneto. Ils demeurèrent tous deux murés dans un silence de mort jusqu'à arriver à destination. Cela faisait un certain temps qu'il ne prêtait plus attention à son chauffeur, l'ignorance parfaite était la définition même de leur relation. C'était un homme, un humain, et il y avait longtemps qu'il avait décidé de ne plus accorder d'importances à ces derniers. Il y avait tellement mieux à découvrir… Des êtres exceptionnels comme Elias, par exemple. Celui-ci devait être en alerte à l'heure qu'il était… Il devait probablement se demander pourquoi le roi noir l'avait demandé dans un lieu si officiel. Il n'y avait pourtant aucune raison particulière. Emma lui avait demandé de passer y signer de la paperasse et Erik qui n'était pas du genre perdre son temps dans ces endroits-là avait tout simplement pensé que de la compagnie serait bienvenue. ▬ Tu attends ici, je ne sais pas quand je reviens. lança-t-il au jeune homme avant de quitter le véhicule. Il espéra quand même ne pas trop tarder, non pour le chauffeur mais pour lui-même.
À peine eut-il pénétré la bâtisse qu'on vint déjà à lui, baissant la tête en signe de respect, souriant faussement… ▬ Bonjour monsieur Lensherr. ▬ Bienvenue à vous monsieur Lensherr ! Comment allez-vous ? Pas de réponse. ▬ Le bureau est à l'étage, monsieur Worthington vous y attend, et il me semble que monsieur Lovecraft est déjà parmi nous. ▬ Où donc ? ▬ Dans le hall, monsieur. Vous… Le peintre était en effet là, juste sous ses yeux. Deuxième sourire de la journée, Erik fit quelques pas vers lui, quittant sans peine l'hôtesse dont le discours était plus ennuyant qu'attractif. Il posa enfin une main sur l'épaule du mutant pour l'interpeler. ▬ Comment vas-tu, Elias ?

Désolé, c'est sans intéret. Et je n'ai pas le temps de coder/colorer... Je dois y aller. TT

Perdu au milieu de la foule, le peintre pourtant ne passait pas inaperçu. Ce n'était pas vraiment qu'il était beau – encore que sa figure avait une noblesse toute naturelle – mais il avait un charisme particulier, quelque chose qui accrochait le regard des particuliers, autant des hommes comme des femmes, et ses yeux, ses grands yeux verts qui semblaient regarder le monde après avoir vu la mort dans les yeux, c'étaient eux qui marquer tant les esprits. Elias avait les yeux de sa mère, sa défunte mère, et c'était tous les jours une angoisse de croiser son propre regard, perçant et clair, dans la vitre de la salle de bain. Il passa sa main sur sa joue, l'air de rien, et regarda les aiguilles de sa montre. Un peu en retard, Erik, mais il ne lui en voudrait pas. Elias, aussi riche soit-il, n'était pas un homme pressé par le temps. Comme tous les artistes, il vivait au rythme de ses émotions, et aujourd'hui il était mélancolique, le garçon. Sa récente rencontre avec Charles Xavier lui avait laissé un goût amer quelque part dans la gorge, et il n'arrivait pas à se débarrasser de cette impression d'avoir été violé – car si ce n'était pas lui qui avait été abusé, on avait lu dans sa tête, dans sa mémoire, on avait volé son passé et ses images, et ça, il n'arrivait pas à s'y faire.
Il sursauta légèrement en sentant une main sur son épaule et se retourna, les yeux bien écarquillés, puis se radoucit aussitôt en entendant cette voix que trop familière, comme une berceuse dans le fond de son crâne. « Comment vas-tu, Elias ? » Le regard d'Elias est doux, comme trop, comme à chaque fois qu'il voit Erik, et il rougit comme un gamin désorienté devant son parent chéri qu'il aime à rendre fier. Peut-être que c'est ça, finalement. «  Je vais bien, et vous? » Vous. Parce qu'il est comme ça, Elias, un peu distant avec les choses qu'il aime, pour se protéger de leur perte. Erik est là, se tient proche, et les yeux verts d'Elias captent le regard des autres, bien plus derrière, pour finalement reporter ses prunelles sur la figure carrée de l'allemand. «  Pourquoi m'avoir appeler? » Il pince les lèvres, se demande s'il a droit, et finalement ose :«  Pourquoi moi, et eux? » Qu'Erik l'appelle, encore, soit, mais qu'il l'appelle et d'autre sen même temps, c'est étrange, ça lui met un peu de pression, et d'angoisse.
Ses yeux vert percent Erik, l'observe, le détaille. Il est beau c'est vrai, mais Elias ne voit pas ça quand il regarde Magnéto. Il voit un homme, c'est sûr, une autorité surtout. Une autorité qu'il ne faut pas décevoir.

Passant un bras autour des épaules du peintre, Erik perçut que quelque chose n'allait pas. Certes, Elias avait toujours cet air effrayé qui lui collait à la peau… Mais il y avait autre chose. Quelque chose qui de toute évidence le dérangeait et qu'il communiquait, peut-être sans en avoir conscience, à son roi. Réponse positive à la question, mais il mentait. Cela se voyait sur son visage, ses joues s'empourpraient plus que de coutume. Dans le pincement de ses lèvres, toute la gêne qu'il éprouvait se devinait. Que diable lui était-il arrivé ? Ils étaient trop entourés pour se permettre de discuter librement. Magneto balaya le hall du regard et vit de nouveau la réceptionniste s'approcher d'eux. ▬ Retournez à vos occupations, on a compris le chemin. Fuyant les autres employés du bâtiment, il prit le jeune mutant par le bras et n'émit aucune réponse à ses questions. Pourquoi fallait-il toujours une raison à tout ? Il prit la direction de l'ascenseur et ne prit pas la peine de le toucher pour l'appeler; l'interrupteur d'appel était fait d'or massif. Tout comme la grille qui précédait la porte, d'ailleurs. Il en profita pour sortir deux cigarettes de leur étui. ▬ Cigarette, Elias ? Ils montèrent dans l'ascenseur qui arriva à peines quelques secondes plus tard. Cette fois, un major d'homme leur faisait compagnie. C'en devenait fatiguant d'être constamment entourés. C'était probablement la chose la plus insupportable du Club… Faire avec tous les pantins qui les servait. Soudain, la grille changea de forme et encercla l'homme qui se retrouva en-dehors de l'habitacle avant d'avoir eu le temps de rétorquer. Ils parvinrent enfin à monter seuls vers le 16ième étage. ▬ Moi non plus je ne les aime pas. Je suis là pour parler à un quelqu'un, et j'espérais que tu me tiennes compagnie. Il faut bien que je te présente. Un dénommé Worthington, un humain. Il a quelques comptes à nous rendre. Il marqua une pause avant d'allumer leurs mégots, le sien en premier. ▬ Ne me dis pas qu'ils te mettent mal à l'aise… Il prit une bouffée qu'il rejeta dans l'air en un nuage blanc. ▬ Que s'est-il passé ?
Sandman était réputé pour sa timidité, mais Magneto refusait qu'il se cache des autres, qui plus est des sans pouvoirs, de la race du dessous. C'était un mutant après tout, il était naturellement supérieur à eux. Au moment même où il était sorti des entrailles de sa mère, il valait plus qu'eux. Il valait mieux qu'eux. Et à présent il était son fou noir, le seul et l'unique. En sa compagnie, il n'avait absolument aucune raison de ressentir du malaise. Il était le seul à devoir les mettre tous mal à l'aise. Le bruit de l'ascenseur leur indiqua qu'ils étaient au bon étage. Celui de la Worthington Pharmaceutics. Un sourire se dressa sur son visage tandis qu'il fit signe à son jeune acolyte de sortir. ▬ Tu te décides à me dire ce qui ne va pas avant qu'on se retrouve de nouveau mêlés à la foule de chiens qui nous courent après ? Son regard de métal se planta dans le sien, son sourire s'était subitement volatilisé. Il avait fait une brève apparition mais à présent il n'était plus d'humeur à sourire, il souhaitait véritablement connaître la raison pour laquelle Elias était... différent.